Les Classiques de Marc Ysaye - 21 ans de passion par Marc Ysaye

Editeur : Racine

Marc Ysaye est animateur à la RTBF depuis 1982. Il a fait toutes ses classes à Radio 21 où il a produit une série impressionnante d'émissions et de séquences. Le 3 janvier 1988, il crée la première de son émission du dimanche matin Les Classiques de Marc Ysaye. Le succès sera immédiat et foudroyant. Il sera responsable des émissions du week-end jusqu'en 1994 puis s'occupera de dynamiser les petits matins jusqu'en 1999. Depuis 2003, Marc Ysaye est le directeur de Classic 21 qu'il a fondée. Il est également le batteur du groupe belge Machiavel avec qui il a enregistré une bonne quinzaine d'albums depuis 1976

Préface de Gilles Verlant :

Je vais pas vous mentir, je détestais Machiavel en 1977.
Normal : j'étais punk, à 100%, j'avais vu les Sex Pistols à Londres, au 100 Club, en août 1976, et j'avais eu une épiphanie (moi qui contrairement à Marc suis non baptisé, n'ai jamais assisté à une messe de ma vie et n'ai jamais été tripoté par un curé, j'ai eu ce soir-là une Révélation). Le premier album des Ramones m'avait déjà donné des indices quelques mois plus tôt. Le rock vivait sa révolution, on allait pouvoir tourner la page, aimer des groupes de notre âge (Johnny Rotten est né 6 mois avant moi) et coller au placard toutes ces merdes pompeuses qui nous gavaient depuis des années, les Genesis, Yes et autres Emerson Lake & Palmer.
Donc, en 1977, je faisais partie de la B. Clique (la clique de Bruxelles) avec Bert Bertrand, Patricia Bols, le Crom, le Vlak, la Gene et Dan MacRoll et écrivais dans More!, le mensuel lancé par Piero Kenroll. Il m'était donc rigoureusement impossible d'apprécier Machiavel, aurais-je été surpris à écouter le groupe en cachette que j'aurais été excommunié, voire lapidé en place publique. MacRoll, comme Marc le rappelle dans son livre, allait encore plus loin : il brûlait sur scène les albums du groupe de Peter Gabriel et Phil Collins.
Et pourtant trois ans plus tard, devenu à la fois journaliste, animateur télé (Folllies, Ligne Rock, ce genre de choses) et producteur de concerts sous le nom Sound & Vision, en m'associant avec Philippe Kopp et Christian "Fletcher" Verwilghen, j'organisais la seconde prestation de Machiavel à Forest-National. Ce soir-là, le groupe a gagné 8500 francs belges. Sound & Vision beaucoup plus, nous étions très content de notre soirée, d'autant qu'elle compensait d'autres concerts catastrophiques (Simple Minds au Canotier devant 12 personnes dont 6 payantes, par exemple).
Étais-je devenu cynique ? Peut-être un peu. Pas au point de dire, comme Gainsbourg, J'ai retourné ma veste quand je me suis aperçu qu'elle était doublée de vison… Mais j'avais une boîte à faire tourner et je montais en parallèle ma maison de disques, Scalp Records, qui allait produire les Cherokees, Allez Allez, les débuts d'Odieu et perdre des sommes colossales sur d'autres artistes formidables.
Mais surtout, ce qui m'avait fait changer d'avis, à propos des gars de Machiavel, c'est qu'entre-temps, pour Folllies je les avais rencontrés et les avais trouvés super enthousiastes et super sympas. Surtout qu'ils savaient que j'étais de l'autre côté du pont, celui des rock-critics qui (hormis Piero Kenroll) les honnissaient vertement. Sans aller aussi loin que Marc Didden dans Humo (Le plus mauvais groupe du monde remplit Forest-National…), mais presque. Sauf que Machiavel avait évolué, et moi aussi. En réalité, depuis que le groupe avait opté pour un son plus hard, avec Fly, une grande chanson pop de surcroît (et je suis un sucker pour les pop-songs), j'avais révisé mon opinion. Et puis mon pote Michel Périn, réalisateur de Folllies était fan au point de réaliser le clip du groupe…
Et me voilà, près de trente ans plus tard, à écrire la préface des souvenirs professionnels de Marc, qui est devenu un ami et m'a même fait un cadeau génial en me proposant d'animer depuis septembre 2008 sur Classic 21 une émission dédiée au son des années 80, cette décennie qui l'a laissé de glace, attaché qu'il est aux classiques des sixties et seventies. Une passion qui l'a inciter à bâtir de ses propres mains une station que les Français nous envieraient s'ils la connaissaient (je veux dire au Sud d'Amiens, parce que dans le Nord, comme chacun sait, Classic21 cartonne). Tous les Belges qui comme moi vivent en France vous le diront : il n'y a pas de radio ressemblant même de très loin à Classic21. Vous êtes, vous qui vivez en Belgique, incroyablement privilégiés de pouvoir l'écouter tout le temps, pas seulement sur le Web. Seul un amoureux de la radio comme Marc Ysaye pouvait inventer une telle station, lui qui a grandi en écoutant Michel Lancelot sur un transistor pourri (moi c'était un tout petit peu plus tard, la radio collée sous l'oreiller, avec Jean-Bernard Hebey puis Marc Moulin et le transistor qui fait crrr crrr crrr le matin parce que je me suis endormi et que la pile est plate). Lui qui vous offre son érudition, sans cesse nourrie par de nouvelles lectures, de nouvelles découvertes, avec des centaines de milliers d'auditeurs depuis tant d'années !
Fondamentalement, Marc est un mec généreux. Je ne l'ai jamais vu cynique, caustique, cruel. C'est tout l'inverse. C'est pourquoi ses souvenirs sont tellement touchants et drôles, en particulier les galères de Machiavel qui feraient passer les scénaristes de Spinal Tap pour des gars dénués d'imagination. C'est le lot des pionniers d'essuyer les plâtres, comme le veut la formule à deux balles - et Machiavel fut, avec Pierre Rapsat, LE précurseur par excellence du rock en Belgique francophone. Le détail des escroqueries dont le groupe fut victime est simplement ahurissant : alors qu'ils attiraient les foules à chaque concert, les musiciens devaient faire chauffeur de taxi de nuit ou pizzaïolo pour survivre ! Et je vous parle pas des mafiosos liégeois à la tête d'un réseau de prostitution qui les ont brièvement managés…
Mais ce que j'ai préféré, au-delà de tout, dans cette autobiographie (où j'aurais aimé plus de vie privée, mais Marc est beaucoup trop pudique pour cela), c'est son amour pour notre musique. Celle de notre génération, celle qui nous a précédés, celles qui ont suivi. It's only rock'n'roll, bien sûr, mais je suis d'accord avec lui : ses superstars, quand elles atteignent le statut d'un Jimmy Page, d'un Paul McCartney, d'un Keith Richards et de tant d'autres, sont d'authentiques bienfaiteurs de l'humanité, au même titre que les plus grands chercheurs. Ces gars-là ont assuré et assurent encore la bande originale de nos vies. Partager est à n'en pas douter le plus beau mot de son vocabulaire. Expliquer pourquoi, comment, grâce à quelle magie, telle est la mission que Marc s'est imposée dans ses Classiques du dimanche matin mais aussi à chaque minute de programmation de Classic21 et à chaque page de ce livre. Et en le lisant, vous vous sentirez comme Brad Pitt dans Benjamin Button: Rajeunissant à chaque instant !

Gilles Verlant

 
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