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Gainsbourg Forever | ||||||
Pour l'intégrale "Gainsbourg Forever" parue en 2001 (la "boîte à chaussures") j'avais écrit des textes pour l'album dit des "essais" (les titres qu'il avait maquettés avant d'être signé sur Philips) et celui des inédits. Voici les textes de ces deux livrets et un communiqué de presse utilisé à l'époque par Universal. | ||||||
Communiqué de presse | ||||||
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Gainsbourg "Essais" |
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A la veille d'enregistrer les séances d'essais que nous
vous présentons sur ce mini-album, Serge change de vie. Pour commencer, il
divorce de sa première femme, dont il explique qu'elle "ne correspond plus
à son idéal esthétique" à Michèle Arnaud, l'élégante interprète qui a le
bon goût de mettre à son répertoire quelques chansons signées Gainsbourg.
En divorçant, celui-ci fait une croix sur ses années de bohème, de dêche,
de passion partagée pour la peinture et la musique. De dix-neuf à
vingt-neuf ans, celui que ses parents appellent encore Lucien a lâché ses
idéaux : il rêvait de devenir peintre officiel, tenant salon et se
compromet désormais dans cet art mineur, la chanson, pour lequel son père
a toujours eu tant de mépris. Trop impressionné par les grands maîtres des arts plastiques, le jeune Gainsbourg était timoré face à la toile blanche. Dans la chanson, en revanche, il se laisse aller à toutes les audaces. Comme Boris Vian, qui lui a sans doute montré la voie. Mais, contrairement à ce dernier, il ne s'est pas dit un beau jour un truc du genre "Je vais faire de la chanson pour me marrer et faire de la thune, en leur prouvant que c'est merdique". Au contraire : s'il a des facilités comme mélodiste - son bagage classique va lui servir en toute circonstance - il met plusieurs années à accoucher de textes convenables (contrairement à Boris-le-pigiste qui avait l'habitude de "pisser de la copie" à la commande) et fait appel à quatre paroliers différents entre 1954 et 1957... Mais ce n’est pas seulement en voyant Boris Vian sur scène que Serge a le déclic, comme je le raconte dans la dernière édition de la biographie que je lui ai consacré * : il vient de passer près de quatre ans, soir après soir, à accompagner les chanteurs qui se succèdent sur la scène du Milord l'Arsouille, ce cabaret de la rue de Beaujolais dont il est devenu un pilier ; quatre ans à jouer de la guitare ou du piano derrière Michèle Arnaud, quatre ans à analyser, à disséquer son répertoire (Mouloudji, Ferré, Brassens, etc.). Plus quatre étés à jouer des nuits entières chez Flavio, au "Club de la Forêt" du Touquet, où il est pianiste d'ambiance saisonnier ! Bref, il a eu le temps de s’apercevoir qu’il est possible de dire des choses intelligentes et dignes en quelques couplets. Tout ceci va ressurgir, magnifiquement mûri et synthétisé, dans les mois qui suivent. Exit sa première femme, Serge déclare peut-être sa flamme à Michèle Arnaud. Avec ou sans succès, l'histoire ne le dit pas. “J'ai composé pour elle parce que j'en étais amoureux, très amoureux, se souvenait Gainsbourg, cette jeune femme me fascinait, il n'y avait pas un gramme de vulgarité en elle... On pourrait à son propos citer la phrase de Balzac : "En amour il y en a toujours un qui souffre et l'autre qui s'ennuie"... Elle a été une des chances de ma vie, elle a eu l'intelligence de percevoir en moi un style nouveau.” Michèle jette effectivement son dévolu sur "Ronsard 58", paroles de Serge Barthélémy, un condensé de misogynie teigneuse, pas très éloigné - par son thème et sa cruauté - de "Si tu t'imagines" de Raymond Queneau qui avait lancé Gréco une dizaine d'années plus tôt : Tant qu't'auras ma belle de chouettes avantages T'auras des amants, t'auras du succès T'auras des vacances sur les beaux rivages Et des bikinis à t'en faire craquer T'auras des visons, t'auras des bagnoles Des types bien sapés te f'ront du baise-main Tu f'ras des sourires, tu joueras ton rôle Mais tu n's'ras jamais qu'une petite putain On peut imaginer comment cette chanson pouvait être reçue par le public du Milord, en particulier par le solide pourcentage d'hommes d'âge posé accompagnés de leurs poules... Michèle Arnaud demande aussitôt à son guitariste de plancher sur de nouvelles chansons dans le même esprit. Le 20 décembre 1957, Serge dépose à la SACEM "La recette de l'amour fou" et "Douze belles dans la peau", qu'elle s'approprie aussitôt : Quand t'auras douze belles dans la peau Deux duchess's et dix dactylos Qu'est-ce que t'auras de plus sinon, Sinon qu'un peu de plomb Un peu de plomb dans l'aile Pas plus dans la cervelle ! Le 5 janvier 1958, Francis Claude, patron du Milord l'Arsouille et homme de radio, présente Serge dans l'émission qu'il anime sur Paris-Inter, comme un jeune talent qu'il est fier d'avoir découvert : "Tout à l'heure il jouait du piano, il jouera plus tard de la guitare, à ses moments qui ne sont pas perdus pour tout le monde il fait de la peinture et il trouve le moyen de composer des chansons étranges qu'il défend avec une personnalité bien à lui..." Quelques semaines plus tôt le même Francis Claude l'avait poussé sur la scène du Milord, à moitié mort de trac. En février, la maison de disques Ducretet-Thomson annonce la sortie du nouvel Extended-Play de Michèle Arnaud sur lequel figurent les deux premières chansons signées Gainsbourg gravées dans le vinyle, "Douze belles dans la peau" et "La recette de l’amour fou", une mini-pièce tragi-comique en deux actes et une chute : Jouez la farce du grand amour Dites "jamais" dites "toujours" Et consommez Sur canapé Mais après les transports Ah ! S'il s'endort Alors là, foutez-le dehors. A partir du 28 février 1958, Michèle Arnaud se produit à Bobino avec André Dassary (qui s'est refait une santé et à qui l'on a pardonné d'avoir chanté pendant la guerre "Maréchal, nous voilà"). C'est à cette occasion qu'elle crée "La recette de l’amour fou" et que l'on aperçoit pour la première fois le nom de Serge dans la presse. Voici ce qu'on lit dans Combat le 8 mars: Sa voix naturellement distinguée s'accommode à merveille d'un répertoire choisi (... ) je note l'apparition d'un compositeur original, Serge Gainsbourg, dont nous reparlerons sans doute. Quelques semaines plus tard, Michèle a fait ses premiers pas à la télévision comme productrice de l’émission Chez vous ce soir, présentée par Jean-Claude Pascal. Parmi les invités, Serge Gainsbourg dont c'est la première apparition à la télé. Au Milord, son trac ne s'améliore pas, comme en témoigne un jeune fantaisiste nommé Bernard Haller qui assiste à ces premiers pas : “Gainsbourg chantait deux chansons dont "Le poinçonneur" ; ce n’était pas un succès triomphal, les gens étaient étonnés par son physique, je me demande si la deuxième chanson ce n’était pas "La jambe de bois" - qu’on n’a plus entendue par la suite et qui était désopilante !” Drôle d'histoire en effet que celle de cette "Jambe de bois (Friedland)" qui plut aussi énormément à Boris Vian : au bord du suicide, se sentant inutile, une jambe de bois déboule sur un champ de bataille, Français contre Cosaques. Ne voulant pas de moignon moujik, elle demande à un boulet de canon qui passe par là de rebrousser chemin et de lui rendre un petit service : Vise-moi c't'officier français Si tu lui fauches une guibole Tu peux me croire sur parole Qu'si la gangrène s'y met pas Je serai sa jambe de bois Mais voilà-t-y pas que le soldat l'aperçoit, se baisse et se la prend en pleine poire... Le 17 février 1958, Serge l'enregistre pour Philips, lors de cette fameuse séance d’essai au Studio Blanqui, dans le plus simple appareil (piano et voix), en même temps que quatre autres titres : "Le poinçonneur des Lilas", "Ronsard 58", "La recette de l’amour fou" et "Douze belles dans la peau". Chez Philips, le patron de l'artistique se nomme à l'époque Jacques Canetti - sans doute l'homme le plus important du show-business français dans les années 50 : même si c'est déontologiquement douteux, il est à la fois haut responsable dans une maison de disques, patron du théâtre des Trois Baudets, où se produisent toutes les stars du music-hall, et organisateur de tournées partout en France, pour les plus grands noms du métier (Devos, Brel, Brassens, Gréco, Béart, etc.). Parmi les producteurs maison on trouve Denis Bourgeois : “J'ai été voir Serge au Milord, se souvenait ce dernier, et je lui ai immédiatement proposé d'enregistrer une maquette. Quand Canetti a entendu les chansons, il a eu le coup de foudre et la signature du contrat n'a été qu'une question de jours, d'autant qu'il était courtisé par une autre marque de disques. Ma première initiative a été de réunir Serge et Alain Goraguer, l'accompagnateur de Boris Vian.” Le 3 mai 1958, soit six mois avant la sortie de son premier album 25 cm "Du chant à la une !", Serge a droit à son premier vrai "papier", sur deux colonnes, dans Combat, sous la plume d'Henry Magnan : SERGE GAINSBOURG CHEZ MILORD L'ARSOUILLE On en parle et on en reparlera. Il s'appelle Serge Gainsbourg et il a horreur de chanter pour ne rien dire (... ) Il a tout à fait raison de croire, en authentique poète, à la valeur intrinsèque des mots (... ) Salut à lui ! Pour la première fois, découvrez les cinq chansons qui ont permis à Serge d'"entrer dans la carrière". Un voyage dans le temps émouvant et saisissant : la naissance d'un génie de cet art mineur qui, grâce à lui, s'éleva au rang d'art majeur. Gilles Verlant * "Gainsbourg", aux éditions Albin Michel, 2000. |
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Gainsbourg "Inédits" |
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